L’importance des droits de propriété intellectuelle (DPI) s’est fortement accrue. Pour aider les entreprises à concevoir et exécuter une stratégie adéquate, la Cellule brevets d’essenscia traite des différents aspects et composantes des DPI dans une série d’articles thématiques. Dans ce troisième dossier, vous découvrirez les différents types de DPI et comment ils se complètent pour créer de la valeur.
Dans les précédents articles de cette série (Introduction & Utilisation des DPI en pratique), vous avez appris que les droits de propriété intellectuelle (DPI) n’ont de valeur que lorsqu’ils procurent un avantage économique à leur titulaire. Dans cette troisième section, vous apprendrez quels sont les différents types de DPI et la manière dont ces divers DPI influencent ensemble la valeur d’un produit ou d’un service offert. Vous obtiendrez également des conseils pour optimiser cette valeur dans une stratégie de propriété intellectuelle.
Les différentes formes de DPI
En général, les DPI sont des droits qui accordent une certaine protection, souvent sous forme d’exclusivité, à un individu ou à son cessionnaire en droit en échange de l’activité créative de l’individu. De cette manière, l’innovation est stimulée. Cette stimulation a lieu dans divers domaines via les différentes formes de DPI. Le tableau ci-dessous résume les principaux types de DPI : brevets, marques, dessins et modèles, droits d’auteur et secrets commerciaux.
Interaction entre les formes de DPI
Le tableau ci-dessus montre qu’il existe un certain chevauchement entre les différentes formes de DPI et qu’une innovation ou une création donnée peut être éligible à la protection par différentes formes de DPI. Par exemple, dans certains cas, un logo peut être protégé par des droits d’auteur, des dessins et des modèles. Un logo peut également être protégé par le droit des marques lorsqu’il est utilisé dans le commerce. Toutefois, chacune de ces formes de DPI a ses caractéristiques spécifiques et les avantages et inconvénients qui y sont associés.
Droit d’auteur
Avantage
Un droit d’auteur est gratuit et a une très longue durée de vie.
Inconvénients
En cas d’infraction, il doit être prouvé qu’il y a eu copie.
L’étendue de la protection est également généralement limitée, c’est-à-dire que s’il existe des différences suffisantes entre l’objet protégé et la copie présumée, il n’y a pas d’infraction.
Ces inconvénients peuvent être traités par l’enregistrement d’un droit de dessin ou modèle.
Dessins et modèles
Avantage
En cas d’infraction, il n’est pas nécessaire de prouver que le contrevenant a copié. De plus, un développement indépendant (c’est-à-dire un développement du même ou de quelque chose de très similaire sans avoir vu l’original) est considéré comme une infraction. Les différences entre le dessin ou modèle protégé et le dessin ou modèle prétendument contrefait devront généralement être plus importantes afin d’éviter la contrefaçon (= étendue plus large de la protection).
Inconvénient
Le droit des dessins et modèles est soumis à l’enregistrement et implique donc également des coûts, certes faibles.
Lorsque le logo est utilisé pour le commerce, il acquiert au fil du temps le caractère distinctif requis. Cela signifie que le logo lui-même pourra faire référence à la source du produit ou du service offert. Pensez par exemple au logo de Nike. Ainsi, le droit d’auteur et le droit des dessins et modèles servent tous deux à protéger le logo dans l’intervalle, après quoi le droit des marques protégera le logo à un moment ultérieur. Ainsi, les différentes formes de DPI se renforcent mutuellement. Ils offrent une protection optimale à une création et maximisent son effet économique dans le temps.
D’autre part, les formes de DPI sont parfois en concurrence les unes avec les autres et un choix doit être fait. Si, par exemple, une nouvelle méthode de production a été mise au point, elle peut être protégée par un secret commercial ou un brevet. Dans ce dernier cas, une demande devra être déposée. Après 18 mois à compter du dépôt, une publication aura lieu et le secret requis sera perdu. À ce moment-là, la protection par le biais d’un secret commercial sera caduque. Un choix doit alors être fait. Pour cela, nous renvoyons à l’article « Secret d’affaires versus demande de brevet Comment choisir ? », qui traite plus en détail des considérations qui doivent être prises en compte pour faire ce choix. Les secrets commerciaux et le droit des brevets peuvent également être combinés dans le cadre d’une innovation, certains aspects de l’innovation étant gardés secrets et d’autres étant protégés par le droit des brevets.
Contribution des formes de DPI à la valeur du produit dans le temps
La caractéristique générale des DPI est d’interdire aux autres d’utiliser l’article protégé par les DPI. En tant que tels, les DPI peuvent être considérés comme un moyen d’atténuer les risques afin de protéger les ventes et les profits réalisés grâce au produit ou au service protégé. En raison de la spécificité de chacune des différentes formes de DPI, l’importance ou l’effet d’une forme particulière évoluera au fil du temps. Ce profil temporel sera différent pour chacun des différents DPI, comme le montre le tableau ci-dessus.
Un produit ou un service offert sera souvent protégé par plusieurs DPI. Ainsi, chacune des formes de DPI évoquées ci-dessus se retrouve généralement dans le produit proposé et/ou sa production. Chacun de ces DPI apportera, à un moment donné du cycle de vie du produit protégé, une certaine contribution à la réalisation du chiffre d’affaires et du bénéfice de ce produit.
Cette contribution fluctuera dans le temps pour chacune des différentes formes de DPI, en fonction de son profil temporel et de l’importance que l’aspect protégé prend dans la réalisation du chiffre d’affaires et du bénéfice. La figure 1 ci-dessous illustre schématiquement cette situation pour les brevets (courbe rouge), les marques (courbe bleue) et les secrets commerciaux (courbe verte).
La figure 1 montre que le savoir-faire développé dans la première partie du cycle d’un produit est immédiatement protégé par des secrets commerciaux (courbe verte), et lorsque des brevets sont demandés, également par des brevets. Une fois que le produit est lancé et que la protection de la marque est demandée, l’investissement en marketing augmentera la contribution de la protection de la marque à la valeur totale du produit au fil du temps. On peut également supposer que la valeur des secrets commerciaux diminuera au fil du temps, car la technologie progresse et les concurrents sont susceptibles d’acquérir des connaissances et un savoir-faire similaires au fil du temps.
Après un maximum de 20 ans (éventuellement 25 ans dans le cas des médicaments), la protection par brevet prend fin. Étant donné que la concurrence ne peut commencer à être active qu’après l’expiration des brevets, on peut supposer que la protection des brevets a toujours un effet même après l’expiration des brevets. Cela dépend beaucoup de la nature de l’industrie. Il ressort également de ce chiffre que la protection initiale par les brevets et les secrets commerciaux peut être utilisée pour renforcer la reconnaissance du nom, de sorte que plus tard, grâce à la protection du nom du produit par la marque, on peut toujours bénéficier d’une prime sur le marché.
Les Post-it® de 3M Co. sont un bon exemple de pratique. La colle spéciale qui assure que les feuillets collent à une feuille de papier, par exemple, mais qui peut aussi être enlevée facilement sans résidus ni dommages sur le papier, a été développée dans les années 70. Des brevets ont été demandés et obtenus pour la colle, d’autres aspects des sticky notes et des produits similaires de la gamme. Entretemps, ces brevets ont expiré, mais pendant la durée de cette protection, la marque Post-it® a pu être créée. Avec les secrets commerciaux de production, qui jouent un rôle dans la qualité, la marque reste une forme importante de protection des bénéfices et de la part de marché dont jouit 3M Co. avec ses feuillets autocollants.
Ce qui est intéressant dans cet exemple, c’est que 3M Co. a déposé la marque non seulement pour des produits physiques mais aussi pour des logiciels. La même expérience utilisateur que celle des notes autocollantes physiques apportées au client a ensuite été lancée dans l’environnement informatique par le biais d’un produit logiciel. Grâce à la marque Post-it®, 3M Co. a donc apporté une innovation qui a commencé par le développement d’adhésifs dans un contexte totalement différent. Cette interaction des différentes formes de DPI est une partie et un aspect importants d’une stratégie efficace de propriété intellectuelle visant à optimiser les ventes et les profits d’un produit tout au long de son cycle de vie.
Efficacité d’une stratégie en matière de propriété intellectuelle
Une stratégie de propriété intellectuelle efficace est une stratégie qui s’appuie sur la stratégie commerciale et la soutient. Cela signifie également que lorsque la stratégie commerciale est ajustée ou modifiée, la stratégie en matière de propriété intellectuelle doit également être réalignée sur celle-ci. Tout comme la stratégie commerciale, la stratégie en matière de propriété intellectuelle est un processus dynamique. En outre, le paysage de la propriété intellectuelle est lui aussi en constante évolution. Une stratégie efficace en matière de propriété intellectuelle vise à contribuer au maximum à la création de valeur à un coût minimal.
Pour atteindre cet objectif, il est utile de partir du principe que chaque DPI est une assurance contre la perte de chiffre d’affaires et/ou de bénéfices pour laquelle une prime doit être payée, tout comme pour une assurance normale. Cette prime est le coût d’obtention et de maintien d’un DPI particulier. Il s’agit donc d’obtenir une “assurance” aussi ciblée (choix correct du type de DPI) et aussi complète que possible (étendue de la protection du DPI) contre la “prime” la plus basse possible. Comme pour l’assurance ordinaire, il convient d’éviter le cumul de polices d’assurance, sans pour autant couvrir le risque plus efficacement ou mieux.
Ce principe constitue donc un point de départ important dans l’élaboration et la mise en œuvre d’une stratégie en matière de propriété intellectuelle et, en particulier, dans l’élaboration et la gestion des DPI. Ceci est également illustré par l’interaction dans le temps des différents DPI (voir ci-dessus).
Dans les parties suivantes de cette série d’articles, nous traiterons de l’élaboration d’une stratégie en matière de propriété intellectuelle, où nous reviendrons plusieurs fois sur le “principe d’assurance” des DPI.