Les plastiques possèdent des propriétés exceptionnelles qui améliorent notre qualité de vie et réduisent notre consommation d’énergie. Pensons aux smartphones, vélos en passant par les matelas ou l’isolation, les panneaux solaires et les équipements médicaux. Cependant les techniques de recyclage actuelles ne permettent pas de retrouver l’ensemble des propriétés polyvalentes pour la réutilisation des matériaux. Pour parvenir à une économie circulaire, dans laquelle les matières plastiques sont réutilisées au maximum en conservant leurs qualités, nous devons poursuive nos engagements dans le développement de technologies innovantes telles que le recyclage chimique.
Saskia Walraedt, directrice essenscia PolyMatters
« L’économie circulaire met l’accent sur la préservation des ressources et la réutilisation des matériaux dans de nouveaux produits »
L’économie circulaire repose sur la conservation de la matière en circulation, le plus longtemps possible, tout en conservant ses qualités et sa valeur. Il s’agit d’un concept macro-économique qui propose d’intensifier la réutilisation des ressources tout en réduisant les pertes de valeurs. L’économie circulaire impose donc un véritable changement de paradigme en passant d’un cadre structuré autour de la prévention et de la valorisation des déchets vers un cadre basé sur les matériaux, incorporés dans de nouveaux produits.
Ce concept dépasse le recyclage des matériaux au départ de déchets et exige de nouvelles approches tant des produits que des procédés de production : l’utilisation efficace des ressources, l’adaptation de la conception de produit, le partage des ressources, la réutilisation des produits et des matières, etc. L’Europe a adopté un modèle circulaire des plastiques et demande aux entreprises d’utiliser, à partir de 2025, dix millions de tonnes par an de recyclats dans la production de nouveaux plastiques. Cela représente une augmentation de 50% d’ici cinq ans. Soit un défi de taille, qu’essenscia, la fédération sectorielle de la chimie, des matières plastiques et des sciences de la vie, s’est engagé à relever avec ses membres via la Circular Plastics Alliance.
Les limites du recyclage mécanique
En Belgique, le recyclage des matières plastiques a augmenté de plus de 50% entre 2006 et 2018. Toutefois comme partout ailleurs en Europe, le taux de recyclage moyen de l’ensemble des plastiques stagne entre 30 et 35 %. Jusqu’à présent, le recyclage des déchets plastiques est principalement réalisé par voie mécanique et par l’optimisation des techniques de tri et des processus de recyclage, et ce seulement pour certains types de plastiques.
Les freins techniques s’inscrivent dans un contexte législatif. La directive-cadre européenne sur les déchets considère, par exemple, la prévention des déchets comme une priorité. La recherche et l’innovation se sont donc concentrées sur le développement de matériaux légers composés de plusieurs couches afin de conserver les propriétés requises. Ceci signifie moins de déchets en masse, mais paradoxalement, ces solutions multicouches entravent la récupération de matériaux de haute qualité car elles touchent aux limites technologiques du recyclage mécanique conventionnel.
En d’autres termes, la grande diversité des matériaux et des applications du plastique, combinée à l’absence de systèmes de collecte et/ou de tri adéquats, a conduit à produire des flux complexes de déchets plastiques. Ils ne sont pas faciles à trier et la qualité du plastique recyclé mécaniquement est souvent trop faible pour permettre une réutilisation économiquement viable dans des applications exigeantes et de grande valeur.
Par ailleurs, certains plastiques peuvent contenir des substances chimiques préoccupantes. La présence de ces substances résulte soit d’une migration vers le plastique (par ex : contenants de produits chimiques), soit d’exigences techniques de conformité et d’utilisation dans des applications spécifiques (par ex : les retardateurs de flammes). Le contexte législatif peut avoir évolué entre la production de ces matériaux et leur statut de déchets, les nouvelles dispositions interdisant l’utilisation des substances contenues dans ces produits anciens. Dans ce cas, la présence de ces substances dans certains flux de déchets, limite la circularité en interdisant la réutilisation des matériaux valorisés.
« Nous ne résoudrons pas le problème de la gestion des déchets ou du recyclage en supprimant des matériaux polyvalents utiles et nécessaires »
Du point de vue de la gestion et de la valorisation des déchets structurées autour du recyclage mécanique, les flux évoqués ci-dessus sont considérés comme non recyclables ou impossibles à valoriser. Ce point de vue réducteur pourrait conduire à suggérer que ces matériaux et leurs applications devraient être interdites pour ce motif. Toutefois, d’une part, ces matériaux existent dans des applications durables et, d’autre part, tous les matériaux plastiques ne sont pas interchangeables. Nous ne résoudrons pas le problème de la gestion des déchets ou du recyclage en supprimant des matériaux polyvalents utiles et nécessaires. Enfin, limiter ou même réduire la capacité de production des plastiques signifie priver des milliards de personnes de la possibilité de bénéficier d’un confort et d’une sécurité abordables et durables.
Recyclage physique et chimique : du déchet plastique au matériau de qualité
Néanmoins, il est possible d’envisager, de concevoir et de développer des procédés de recyclage innovants tels que le recyclage physique et chimique. Et, ce faisant, de sortir de la logique qui consiste exclusivement à analyser les problèmes rencontrés dans la gestion des déchets par les moyens habituels de recyclage.
Le recyclage physique ou recyclage par dissolution sélective permet de traiter les plastiques complexes en séparant les multicouches ou en extrayant les substances chimiques indésirables.
Le recyclage chimique en ressources ou matières premières a comme objectif de transformer les déchets de plastiques en matières chimiques. Ce processus transforme la structure chimique des polymères pour retrouver les éléments de base utilisables dans d’autres procédés chimiques, substances, monomères, etc. De cette manière, de nouvelles ressources sont produites et utilisées dans l’industrie chimique ou pour fabriquer de nouveaux polymères. En d’autres termes, c’est partir des plastiques pour retrouver les susbtances chimiques.
Cet ensemble de nouvelles technologies offre la perspective de recycler les polymères qui sont aujourd’hui considéré, à tort, comme non recyclable ou impossibles à valoriser. Elles permettent de retrouver des ressources de haute qualité qui peuvent être utilisées sans difficulté dans des applications exigeantes (contact alimentaire, médical, etc.). Ces voies permettent la revalorisation au même degré de qualité qu’un matériau vierge ainsi que l’extraction des substances préoccupantes. La sécurité et la valeur des matériaux sont ainsi retrouvées et garanties.
« Grâce à sa forte concentration d’entreprises chimiques, de production, de recyclage et de transformation des polymères, la Belgique a un potentiel exceptionnel pour développer les nouvelles voies nécessaires à la circularité »
Les procédés de recyclage physique et chimique ont dépassé le stade du laboratoire et sont actuellement testés en Europe en phase pilote, soit une démonstration de la faisabilité industrielle. Le gestionnaire de déchets Indaver prévoit de construire en Belgique une nouvelle usine pilote pour le recyclage chimique de 15 000 tonnes de plastiques en fin de vie par an. En combinaison avec la multitude d’instituts de recherche et de centres de tri de notre pays, la forte concentration d’entreprises chimiques, de production, de recyclage et de transformation des polymères offre à la Belgique un potentiel exceptionnel pour développer les nouvelles voies nécessaires à la circularité.
Ouvrir la voie de ces nouvelles technologies
Afin de libérer tout le potentiel de ces innovations, les décideurs politiques sont invités à reconnaître le caractère clé de cet ensemble de technologies qui contribue à garantir la circularité des matériaux, fondement de l’économie circulaire. Par conséquent, les indicateurs de l’efficacité du recyclage devraient être adaptés pour inclure ces technologies. Les mécanismes de responsabilité élargies de producteurs devraient donc tenir compte de ces voies de valorisation. Enfin, les indicateurs de taux de contenu en matière recyclée doivent prendre ces technologies en considération et être centrés uniquement sur la circularité des ressources.
Le recyclage mécanique reste certainement la voie préférentielle lorsque la collecte et le tri sont aisés à mettre en œuvre. Il permet de générer des recyclats de haute qualité, répondant aux standards pour une faible utilisation de l’énergie. Toutefois, pour stimuler l’économie circulaire, une approche en parallèle est fondamentale, afin de choisir la meilleure technologie pour valoriser les différents flux de déchets plastiques. Ceci dépend de la nature du plastique, de la présence de substances ou d’impuretés, des exigences de qualité en fin de recyclage et, bien sûr, de la pertinence économique et écologique.
Par conséquent, il est plus qu’indiqué de trouver la technologie la plus appropriée pour obtenir la qualité de recyclage souhaitée afin de se conformer à la législation actuelle et future sur les produits, au lieu de chercher des applications pour certains produits de faible qualité issus du recyclage mécanique. Une collaboration et une communication accrues au sein de la chaîne de valeur seront cruciales pour faire les produits durables et circulaires de demain.