Au cours des dix dernières années, l’importance des droits de propriété intellectuelle (DPI) dans le succès d’une entreprise a considérablement augmenté. Par conséquent, il est de plus en plus important pour une entreprise de formuler et de mettre en œuvre une stratégie solide pour ses DPI. Dans une série d’articles thématiques, la Cellule brevets d’essenscia aborde les différents aspects d’une stratégie de propriété intellectuelle. Dans cet article, vous découvrirez comment les DPI peuvent créer de la valeur pour une entreprise grâce à leur exploitation.
L’article d’introduction de cette série indiquait déjà comment les différentes formes de droits de PI, par leurs différentes fonctions, génèrent un impact pour leur titulaire qui se traduit par un avantage économique. Une fonction importante des droits de propriété intellectuelle est bien sûr la protection contre les copies identiques et les alternatives, et éventuellement la dissuasion des concurrents. Bien que, pour de nombreuses entreprises, il s’agisse de la principale et souvent de la seule façon de créer de la valeur avec les droits de propriété intellectuelle d’un portefeuille, nous souhaitons aborder dans cet article d’autres moyens intéressants ou supplémentaires par lesquels les droits de propriété intellectuelle peuvent contribuer positivement aux résultats de l’entreprise. Les formes d’exploitation de la PI que nous aborderons sont :
- la concession de licences de PI
- l’utilisation de la PI en coopération avec des partenaires
- les avantages fiscaux fondés sur les droits de PI
L’exploitation des droits de PI par le biais d’une licence ou d’une collaboration nécessitera un accord et nous nous référons au guide pratique publié par le SPF Économie.
Concession de licences de droits de propriété intellectuelle
Un droit de propriété intellectuelle confère à son titulaire un certain nombre de droits qui peuvent être transférés, en tout ou en partie, à un tiers. Ce transfert peut être irréversible (et donc pour toute la durée de l’ancienneté du droit) ou avoir un caractère temporaire. Si, en plus d’un transfert complet et irréversible de tous les droits, le titre de propriété est également transféré, il s’agira d’une vente complète du droit de PI concerné. Dans cet article, toutefois, nous nous limiterons au transfert de droits sans changement de titre. Dans ce cas, on parle d’une « licence accordée par le titulaire du droit (donneur de licence) à un tiers (licencié) ».
Type de licences
La licence est accordée par le biais d’un contrat de licence. Cet accord précisera les droits en vertu desquels le licencié acquiert des droits, la nature exacte de ces droits, la géographie qu’ils couvrent et la durée de la licence. En outre, l’accord de licence déterminera la nature de la licence. Par exemple, il peut être convenu que la licence est exclusive. Cela signifie que seul le licencié a le droit d’exercer le droit de PI et que le titulaire renonce également au droit d’exercer le droit de PI.
Une variante de ce système est une licence dans laquelle le titulaire s’engage à ne pas accorder d’autres licences mais à conserver le droit d’utiliser le droit lui-même. C’est ce qu’on appelle en Anglais une ‘sole licence’. Une licence non exclusive est une licence dans laquelle le droit est ou peut être concédé à d’autres parties également.
Droits qui font l’objet d’une licence
Un droit de PI confère à son titulaire des droits différents selon le type de droit de PI. Nous renvoyons ici à la troisième partie de la série, où nous avons examiné les différents types de DPI. Un brevet donne à son titulaire le droit d’interdire à un tiers de fabriquer, faire fabriquer, stocker, utiliser, vendre ou offrir à la vente l’objet breveté.
Dans une licence de brevet, chacune de ces interdictions peut être levée séparément pour le licencié. Ainsi, par exemple, le titulaire d’un brevet peut accorder à un licencié uniquement l’autorisation de produire le produit breveté, mais pas celle de le faire produire ou vendre. Une telle licence peut avoir un sens lorsque le titulaire du brevet dispose lui-même d’une capacité de production insuffisante.
Licence pour une partie d’un brevet uniquement
En outre, chacun des droits d’interdiction cités dans le cadre d’un brevet peut faire l’objet d’une renonciation pour l’une des parties de l’étendue de la protection du brevet. Supposons, par exemple, qu’un brevet porte sur un film plastique. La licence peut alors être limitée, par exemple, à un film fabriqué à partir d’un type de polymère ou à l’utilisation du film pour un nombre limité d’applications.
Outre d’éventuelles limitations géographiques, le donneur de licence dispose d’un éventail de possibilités pour élaborer sa stratégie de concession de licence en matière de brevets.
Droits de licence
L’acquisition de droits par le licencié impliquera, bien entendu, une compensation de la part du licencié. La compensation d’un licencié peut être de nature financière, sous forme d’un ou plusieurs paiements fixes ou d’un paiement en pourcentage des revenus du licencié provenant de la licence (« royalty »). Une combinaison des ces compensations financières est une possibilité.
D’autre part, il se peut qu’en contrepartie de l’obtention d’une licence, le licencié accorde lui-même une licence au donneur de licence au titre d’un ou plusieurs des DPI détenus par le licencié. Dans ce cas, on parle de licence croisée. Bien que cela se produise souvent sans qu’aucun paiement ne soit effectué entre les parties, il est également possible que l’une des parties compense financièrement l’autre. Ce sera le cas si les parties estiment que les droits mutuels ne s’équilibrent pas.
Autres dispositions du contrat de licence
Les droits accordés et leur rémunération constituent le cœur d’un contrat de licence. Cependant, un certain nombre d’autres dispositions jouent un rôle tout aussi important dans la mise en place d’un bon accord. Par exemple, les parties doivent prendre des dispositions dans le cas où un contrevenant entre sur le marché. Qui aura le droit d’intenter une action en contrefaçon ? Dans le cas d’une licence exclusive, il semble évident que ce droit appartient au licencié. Mais que faire si la licence exclusive ne couvre qu’une partie du brevet ? Un litige relatif à un brevet peut entraîner l’invalidité totale ou partielle du brevet et causer des dommages au donneur de licence. Il est donc utile d’inclure un mécanisme pour empêcher un licencié de lancer une action en contrefaçon trop facilement.
Dans le cas d’une licence non exclusive, le licencié ne pourra souvent pas obtenir le droit d’engager lui-même une procédure de contrefaçon, mais un mécanisme devra être prévu pour indemniser le licencié si le donneur de licence ne souhaite pas intervenir, car dans une telle situation, le licencié est désavantagé par rapport au contrevenant qui n’a pas donné d’indemnisation au donneur de licence et peut donc probablement opérer à moindre coût sur le marché.
Parfois, le donneur de licence voudra obliger le preneur de licence à lui restituer les améliorations qu’il apporte au produit sous licence. Toutefois, ces dispositions doivent tenir compte des dispositions du droit de la concurrence, notamment lorsque les parties sont des concurrents.
Exploitation des droits de propriété intellectuelle dans le cadre d’une coopération
Dans l’environnement commercial actuel, il est pratiquement impossible d’échapper à la collaboration avec un ou plusieurs partenaires pour développer un produit ou un service. Peu d’entreprises disposent de toutes les compétences en interne pour développer un produit. La digitalisation de l’industrie chimique est un bon exemple de coopération nécessaire, même au-delà des frontières des différentes industries.
Les droits de propriété intellectuelle jouent un rôle important à divers égards dans la création et l’exécution de la collaboration ainsi que dans l’exploitation ultérieure des résultats de cette collaboration. Un portefeuille de propriété intellectuelle attrayant permettra d’attirer et de convaincre plus facilement les partenaires. Le portefeuille de PI contribue ainsi à la réputation dont jouira une entreprise sur un certain marché ou dans un domaine technologique.
Droits antérieurs
Les droits de propriété intellectuelle préexistants des partenaires seront principalement des brevets, mais le « savoir-faire » sera également important. Les droits de propriété intellectuelle existants sont qualifiés de droits de base dans le cadre d’une coopération et font généralement l’objet d’une licence temporaire pour permettre la coopération. Ils peuvent également jouer un rôle en permettant l’exploitation ultérieure des résultats, notamment lorsque l’exploitation des droits nés au cours de la collaboration en dépend.
La force ou l’importance des droits antérieurs déterminera, outre la position sur le marché d’un partenaire, quelle sera la position de négociation d’une partie dans l’établissement de la coopération. Inversement, le fait d’accéder aux droits antérieurs d’un partenaire peut être une motivation pour s’engager dans une coopération avec ce partenaire.
Il sera donc important pour les parties de décrire et de cataloguer leurs droits antérieurs de manière précise et complète avant de commencer la coopération. Faute de quoi, il risque d’être difficile de déterminer si certains développements et les droits qui y sont associés sont apparus au cours de la coopération ou s’ils font partie du contexte.
Droits découlant de la coopération
Au cours de la coopération, de nouveaux droits apparaîtront donc et l’accord de coopération devra contenir des dispositions répartissant les droits de propriété entre les parties et indiquant quels droits, par exemple par le biais de licences, seront obtenus par les parties pour l’exploitation des résultats. Grâce à la répartition des droits de propriété sur les développements réalisés dans le cadre de la coopération et à l’octroi de licences sur ceux-ci, les parties seront en mesure de réaliser leurs intérêts commerciaux respectifs. La manière de le faire est trop vaste pour être couverte dans le cadre de cet article.
Autres formes d’exploitation des DPI
Les licences et les accords de coopération sont les principaux moyens d’exploiter les DPI. En outre, un avantage économique peut découler des droits de propriété intellectuelle si le titulaire peut en tirer un avantage fiscal. De nombreux pays accordent des avantages fiscaux aux titulaires de brevets. En Belgique, par exemple, il existe une déduction pour revenus d’innovation qui est liée à la possession de brevets sur un produit ou un service qu’une entreprise propose.
D’autre part, un portefeuille de PI apportera des avantages indirects à son détenteur. Nous avons déjà mentionné son influence sur la réputation pour attirer des partenaires dans une coopération. Cette réputation jouera également un rôle important pour attirer des employés ou des consultants, ce qui se traduira par un avantage concurrentiel pour l’entreprise.
Conclusion
Ce qui précède illustre le fait qu’un portefeuille de PI, outre la protection de ses propres produits, peut également apporter un avantage économique à une entreprise grâce à une exploitation supplémentaire. Les licences et les collaborations sont les possibilités les plus importantes, mais la réputation et les avantages fiscaux entraînent également un impact économique supplémentaire d’un portefeuille de PI. Tous ces aspects doivent être pris en compte lors de la mise en place d’une stratégie de propriété intellectuelle visant à obtenir une valeur maximale des droits de propriété intellectuelle.