À quoi ressemble l’avenir des matières plastiques ? Cette question essentielle a été abordée par les experts Carl Emmerechts (Sirris), Kevin Poelmans (Agoria), Jan Van Havenbergh (Catalisti/Moonshot) et Saskia Walraedt (essenscia PolyMatters) lors du débat ‘The Future of Plastics’ à l’occasion du Belgian Plastics Day organisé par Agoria et essenscia. « Ce serait une erreur d’interdire les plastiques comme ça, mais nous devons les produire de manière aussi durable que possible et les réutiliser autant que possible dans le cadre d’une économie circulaire », expliquent-ils à l’unisson.
La vice-première ministre et ministre flamande de l’Économie et de l’Innovation, Hilde Crevits, a donné le coup d’envoi du débat sur l’avenir des plastiques dans un message vidéo. Le message principal ? Les plastiques sont omniprésents, mais nous devons nous concentrer davantage sur leur réutilisation et leur recyclage. Pour y parvenir, l’innovation est indispensable.
La durabilité, le mot clé
Jan Van Havenbergh plaide pour des ambitions élevées en matière de durabilité. En tant que manager du programme Moonshot pour l’innovation climatique du gouvernement flamand, il coordonne la recherche universitaire pionnière en termes de technologies industrielles de pointe. La circularité des matières plastiques constitue l’une des quatre pistes de recherche centrales.
« Il existe encore de nombreux défis liés au recyclage, au tri et à la composition souvent complexe de certains produits en plastique. Des solutions novatrices sont nécessaires. Nous y travaillons d’arrache-pied. » Catalisti, le pôle de compétitivité flamand pour l’innovation dans le secteur de la chimie et des matières plastiques, aide les entreprises à réaliser des projets innovants dans le cadre de la transition vers davantage de circularité.
“Nous devons nous engager pleinement en faveur de l’économie circulaire”
Saskia Walraedt, essenscia PolyMatters
Saskia Walraedt, directrice d’essenscia PolyMatters, la département plastiques et polymères de la fédération sectorielle belge de la chimie et des sciences de la vie, souligne la nécessité de s’engager pleinement en faveur de l’économie circulaire, avec les matières plastiques. « Nous devons viser une traçabilité de 100 %, une utilisation minimale des matériaux et un recyclage maximal. Le défi va donc bien au-delà du seul recyclage. Il s’agit avant tout de conserver la valeur des matières premières le plus longtemps possible, sur plusieurs cycles, et avec la meilleure qualité possible. »
Les matières plastiques ont-elles leur place dans l’économie circulaire ? Kevin Poelmans, de la fédération technologique Agoria, en est convaincu : « Il convient d’analyser les propriétés souhaitées pour chaque application. Les matières plastiques s’avèrent souvent être le choix par excellence. Pensons par exemple à la voiture solaire de notre fédération : pour créer une voiture performante et légère pouvant fonctionner à l’énergie solaire, le plastique est le meilleur matériau possible. Interdire les matières plastiques n’est donc pas une option mais nous devons faire le maximum pour les produire de façon durable et pour les concevoir de manière à ce qu’ils soient faciles à recycler. »
Carl Emmerechts, Product Engineer chez Sirris, le centre d’innovation collective de et pour l’industrie technologique, rappelle que les matières plastiques sont également indispensables dans le secteur médical. « Pensons aux seringues, aux tubes, au matériel de diagnostic, etc. Les plastiques sont des matériaux qui peuvent répondre aux normes de sécurité, aux exigences de qualité et aux règles d’hygiène strictes. »
Indispensables dans de nombreux secteurs
Les différents témoignages vidéo diffusés lors du débat démontraient également que les matières plastiques sont incontournables dans divers secteurs. Fa Quix, Directeur général de Fedustria, l’association professionnelle des entreprises de l’industrie textile, du bois et de l’ameublement, indique qu’il est impossible de fabriquer des textiles innovants sans produits chimiques ou plastiques.
Marc Dillen, Directeur général de la Confédération flamande de la construction (VCB), souligne l’importance des différents types de plastiques dans le secteur de la construction pour de nombreuses applications telles que les profilés de fenêtres et les menuiseries, les tuyaux ou les matériaux d’isolation. Les matières plastiques sont indispensables pour atteindre les normes énergétiques des habitations.
Ben Van Roose, Manager Manufacturing chez Agoria, explique que les plastiques sont également omniprésents dans l’industrie automobile, depuis les tableaux de bord et pare-chocs jusqu’aux batteries des véhicules électriques. La combinaison de l’ultra-résistance et de l’ultra-légèreté est un atout majeur dans le domaine de la mobilité.
Enfin, Ann Nachtergaele, Environmental Affairs & Energy Director chez Fevia, la fédération sectorielle de l’industrie alimentaire, rappelle que les matières plastiques offrent de nombreux avantages pour l’emballage alimentaire, afin de conserver les aliments plus longtemps et leur assurer une protection optimale.
Problèmes de perception
Cependant, le grand public a une vision négative des plastiques. Selon Jan Van Havenbergh, c’est principalement dû à un problème de perception persistant. « Dans de nombreux cas, les matières plastiques sont le choix le plus durable, en particulier si nous tenons compte du cycle de vie total des matériaux. L’attention se porte néanmoins sur les points sensibles, comme les émissions de CO2 ou les déchets plastiques tels que les masques que l’on retrouve dans les rues. »
« Dans de nombreux cas, les matières plastiques sont le choix le plus durable »
Jan Van Havenbergh, Moonshot/Catalisti
Par ailleurs, ne sous-estimons pas l’importance économique du secteur des plastiques. Saskia Walraedt : « Ce secteur est très important pour la Belgique. Le pays compte de nombreux producteurs de polymères et transformateurs de matières plastiques, employant 31 000 personnes. Une étude de l’Office européen des brevets démontre que la Belgique détient le plus haut degré de spécialisation de l’Union européenne, tant pour le recyclage des matières plastiques que pour les technologies en termes de bioplastiques. Nous disposons donc de tous les atouts nécessaires pour faire de notre pays un centre de la circularité des matières plastiques. »
Des défis majeurs
Depuis l’utilisation efficace des matériaux et des procédés optimisés jusqu’à la recherche de matériaux de recyclage de qualité et de matières premières en quantités suffisantes, chaque secteur travaillant avec les matières plastiques dispose de besoins spécifiques pour le futur. L’importance du recyclage et de la circularité est soulignée à maintes reprises par les différents intervenants. « La contribution des polymères biosourcés ou biodégradables ne doit pas non plus être sous-estimée », explique Carl Emmerechts. « Dans les secteurs tels que ceux de l’emballage, de l’habillement et de l’automobile, des progrès concrets sont réalisés dans ces domaines. »
« L’importance des polymères biosourcés et biodégradables ne doit pas être sous-estimée »
Carl Emmerechts, Sirris
Jan Van Haverbergh réagit : « En ce qui concerne les polymères biodégradables, il faut être réaliste : dans certaines niches, ils peuvent offrir une solution. La chimie biobasée et les matières plastiques biosourcées, quant à elles, sont un domaine de recherche important qui offre un grand potentiel pour convertir, par exemple, les déchets de bois ou agricoles en matières premières. L’objectif ultime doit toujours être l’utilisation de matières premières qui peuvent être réinjectées dans le cycle économique. Si vous travaillez de manière circulaire, vous obtiendrez les plus grands bénéfices environnementaux et climatiques. »
Les derniers développements en matière de recyclage suscitent déjà un grand enthousiasme, indique Saskia Walraedt. « Les entreprises développent de nouvelles techniques de recyclage. Les déchets plastiques qui sont aujourd’hui difficiles à recycler peuvent être transformés en composants pour de nouvelles matières plastiques ou en une matière première alternative pour l’industrie chimique, permettant ainsi de fermer la boucle. Cela demande évidemment un certain temps avant de pouvoir mettre ces nouvelles technologies sur le marché. »
En ce qui concerne les différents modes de recyclage, la plupart des interlocuteurs pensent que la combinaison complémentaire recyclage mécanique/chimique offre de nombreuses possibilités. Jan Van Haverbergh : « Le recyclage mécanique est le point de départ. Vous pouvez traiter les fractions résiduelles par un recyclage chimique ou physique au niveau moléculaire. En combinant de manière optimale les techniques de recyclage, vous pouvez travailler la circularité du carbone. Ainsi, le CO2 ne se retrouve pas dans l’atmosphère, mais reste capturé dans les plastiques et les cycles de matériaux. »
Un regard vers l’avenir
En ce qui concerne l’évolution des matières plastiques, chaque interlocuteur pointe un élément particulier. Kevin Poelmans souligne la polyvalence des propriétés techniques du matériau et les nombreuses possibilités qu’il offre : « Grâce au plastique, nous développons des produits et des technologies qui n’étaient pas possibles auparavant. Mais nous ne devons jamais perdre de vue la durabilité. »
« La polyvalence des matières plastiques offre d’énormes possibilités »
Kevin Poelmans, Agoria
Saskia Walraedt s’intéresse particulièrement à la collaboration tout au long de la chaine de valeur, entre les entreprises et les secteurs. « C’est le seul moyen d’accroître la circularité. De plus, les grandes marques doivent être conscientes de l’impact de leurs choix de matériaux dès le départ. L’économie circulaire commence par la conception des produits. »
Jan Van Haverbergh estime que nous devons nous orienter vers une approche systémique pour révéler la complexité des matériaux. « Cela facilitera la circularité et nous permettra de continuer à garantir des normes de qualité élevées. Ne pas penser en termes de déchets, mais en termes d’utilisation circulaire des matériaux. »
Enfin, Carl Emmerechts insiste une nouvelle fois sur l’importance de minimiser l’utilisation de matières premières et de ressources, par exemple dans l’industrie de l’emballage. « Nous pouvons encore améliorer de nombreux aspects des matières plastiques, depuis la production jusqu’au recyclage. Mais grâce à toutes les innovations, nous pouvons voir l’avenir avec optimisme. »
Plus d’infos sur le Belgian Plastics Day