Les bits et les octets détermineront l’avenir de la biotechnologie belge, tant en termes d’innovation que de production. Nos entreprises biotech sont-elles prêtes pour l’accélération numérique ? Comment faire en sorte que les jeunes talents acquièrent les compétences numériques nécessaires pour des emplois qui n’existent pas encore aujourd’hui ? En collaboration avec Deloitte et une série d’acteurs majeurs de la biotechnologie, le Digital Working Group récemment mis en place par bio.be/essenscia se penche sur ces questions.
Vous rêvez d’un futur job en tant qu’ingénieur procédés en jumeaux numériques, smart factory manager ou coordinateur de l’équipe robotique ? Cela vous semble futuriste ? C’est pourtant en cours ! La révolution numérique exige non seulement de nouvelles compétences en la matière, mais crée également de nouvelles fonctions dans l’ensemble de l’organisation.
Mais c’est très difficile d’estimer exactement les compétences qui seront nécessaires pour les collaborateurs de demain. Nous sommes tous conscients que les technologies numériques transformeront radicalement les processus de production en biotechnologie, mais personne ne peut exactement prédire aujourd’hui comment cela se produira.
Les entreprises sont ainsi confrontées à des défis majeurs. Le numérique est déjà la nouvelle norme depuis quelques années, y compris pour la biotech belge.
- Importance de la cybersécurité pour sécuriser les données confidentielles
- Les processus de production sont déjà largement automatisés, principalement pour la fabrication ou formulation des médicaments
- L’utilisation des big data accélère la recherche et le développement de nouveaux médicaments et de nouvelles thérapies
- Recours de plus en plus fréquent à la réalité virtuelle pour la formation des nouveaux collaborateurs. Ils peuvent ainsi se familiariser avec les conditions de travail spécifiques dans les salles blanches, et ce dans des conditions sûres et contrôlées.
Au plus le processus de production est complexe, au plus la technologie numérique joue un rôle important
Nous ne sommes cependant qu’aux prémices de la révolution numérique. La montée en puissance des médicaments biotechnologiques et les applications prometteuses de la thérapie cellulaire et génique mènent à des processus de production de plus en plus complexes. Les systèmes d’analyses de données sécurisés acquièrent donc une importance plus importante.
La méthode de production traditionnelle en lots séparés avec des volumes définis est de moins en moins utilisée au profit d’une production en flux continu. Cela nécessite plus de contrôles qualité et de processus numériques qui surveillent constamment les paramètres et les ajustent si besoin.
En conclusion, la production biotech du futur sera essentiellement contrôlée numériquement.
- Les équipements connectés permettent de planifier la maintenance au moment précis où elle est nécessaire plutôt qu’à des moments fixés à l’avance
- Les capteurs augmentent l’efficacité des ressources et de l’énergie, mais peuvent également analyser et améliorer l’ergonomie des travailleurs
- Les contrôles qualité sont automatisés, permettant une plus grande précision et une meilleure traçabilité
- La planification des processus logistiques et de laboratoire peut être améliorée en temps réel.
Les entreprises devront donc repenser complètement leurs procédures et leurs méthodes de travail, et cela ne se limite pas à l’environnement de production.
Le groupe de travail ‘Digital’ de bio.be/essenscia accélère la digitalisation
bio.be/essenscia, la fédération sectorielle belge de la biotechnologie et des sciences de la vie, a récemment mis en place un groupe de travail spécial “Numérique”. Au cours des derniers mois, en collaboration avec Deloitte, nous avons analysé dans quelle mesure les secteurs biotech et biopharma appliquent déjà la technologie numérique, quels sont les défis numériques à court et à long terme, et comment les entreprises peuvent partager leurs bonnes pratiques pour accélérer leur digitalisation.
Des entreprises telles que GSK, Johnson & Johnson, Mithra, Novartis, Quality Assistance, Sanofi, Takeda, UCB et Univercells y ont collaboré, ainsi que Bio Base Europe Pilot Plant, Bird&Bird et l’Université de Gand.
- Constat : toutes les entreprises expérimentent déjà la technologie numérique et sont convaincues des vastes possibilités offertes par le numérique. Mais le partage d’informations multidisciplinaires dans l’ensemble de l’organisation reste un point d’attention pour beaucoup.
- Défis : les coûts de financement importants pour les investissements dans les technologies numériques ainsi que l’incertitude quant aux technologies qui vont réellement percer à l’échelle industrielle. Mais surtout : la nécessité de formations qui perdurent et d’un système éducatif qui s’engage réellement dans la digitalisation.
Plus de la moitié des entreprises interrogées constatent une inadéquation croissante entre l’ensemble des compétences actuelles et les compétences qui seront nécessaires à l’avenir. Près de la moitié des sociétés ont de plus en plus de difficultés à attirer des talents ayant les compétences et qualifications adéquates. C’est évident : la manière dont nous développons les formations pour qu’elles restent en phase avec les besoins est cruciale.
Les compétences nécessaires pour interpréter les données numériques
Il convient donc de rapidement et efficacement remettre à niveau et former la génération actuelle. En parallèle, l’enseignement doit préparer la prochaine génération de ‘craqueurs’ numériques. Nous devons miser sur une combinaison entre l’apprentissage tout au long de la carrière et un enseignement STEM (Science, Technology, Engineering & Mathematics) de qualité qui éveille avant tout la curiosité des étudiants et leur apprend à apprendre.
Car qu’il s’agisse d’internet of things ou d’intelligence artificielle, de réalité augmentée ou de machine learning, ce seront des notions de base pour le travail de demain. Les sites de production deviendront un grand réseau cognitif, mais le facteur humain continuera à y jouer un rôle indispensable. À condition que les employés disposent des compétences adéquates – tant numériques que soft skills – pour garder une vue d’ensemble dans un réseau numérique d’algorithmes, de robots et de stockage dans le cloud.
Il faut avant tout obtenir des informations significatives et fiables à partir de ces flots de données. Cela nécessite non seulement de connaître des logiciels, mais aussi une expertise technique et scientifique approfondie en termes d’équipements et de potentiel d’innovation.
Collaboration entre l’industrie, l’enseignement et les autorités
“La révolution numérique nous donne l’opportunité de renforcer encore davantage notre position de leader. Pour ce faire, la clé du succès sera une nouvelle fois la coopération.”
Geoffrey Pot, président de bio.be/essenscia et Site Head & Vice President Operations chez Takeda
Geoffrey Pot, président de bio.be/essenscia et Site Head & Vice President Operations chez Takeda perçoit la transition numérique avant tout comme une opportunité. « La Belgique est mondialement réputée en matière de biotechnologie. Cette renommée est le résultat d’une collaboration réussie entre l’industrie, le monde académique et le gouvernement. La révolution numérique nous donne l’opportunité de renforcer encore davantage notre position de leader. Pour ce faire, la clé du succès sera une nouvelle fois la coopération. Le système éducatif sera crucial pour adapter la formation aux besoins numériques du marché du travail de demain. Et les autorités devront créer les mécanismes de financement appropriés et l’environnement entrepreneurial adéquat pour permettre aux entreprises de se développer et d’investir dans une stratégie numérique. Nous nous réjouissons que la digitalisation soit au cœur des plans de relance économique. »
Ah oui, vous vous demandez en quoi consiste un job d’ingénieur procédés en jumeaux numériques ? Cette technologie permet de réaliser des répliques numériques de processus, de machines ou de bâtiments. Leur fonctionnement peut ainsi être simulé en toute sécurité dans diverses conditions.
Cela donne l’opportunité aux ingénieurs d’ajuster et d’optimiser certaines caractéristiques pendant la phase de conception. Ils peuvent également utiliser un processus numérique d’essai et d’erreur pour ajuster et régler avec précision différents paramètres afin d’améliorer l’opération. Il ne faut pas beaucoup d’imagination pour se rendre compte que la digitalisation offre des opportunités sans précédent dans le domaine de la biotechnologie.
Frédéric Druck, Secrétaire Général de bio.be/essenscia