‘The proof of the pudding is in the eating’, dit-on au Royaume-Uni. Demain marquera le 50e jour de l’entrée en vigueur du Brexit. Nous ne pouvons que constater que le « pudding Brexit » laisse un arrière-goût amer. Une paperasse supplémentaire, des retards inopportuns dans les processus logistiques et des coûts additionnels qui, pour certains groupes de produits, ont même quadruplés : voici le tarif journalier du Brexit pour les entreprises chimiques et pharmaceutiques belges. En tant que principal secteur d’exportation du pays, l’industrie de la chimie et des sciences de la vie compte donc sur l’efficacité des procédures douanières et l’utilisation efficace des moyens du fonds Brexit pour soutenir les entreprises concernées dans leur stratégie d’exportation.
Le secteur chimique et pharmaceutique est très orienté vers l’exportation. Il exporte plus des trois quarts de sa production. Par exemple, le secteur a exporté 131 milliards d’euros de marchandises en 2019. La chimie et les sciences de la vie sont ainsi les champions de l’exportation en Belgique, représentant près d’un tiers des exportations totales de notre pays. Le secteur de la chimie et pharma exporte beaucoup plus qu’il n’importe : avec plus de 24 milliards d’euros, il est de loin le plus grand contributeur à la balance commerciale positive et à la prospérité de la Belgique.
Le Brexit fait pression sur les relations commerciales
Ces chiffres mettent encore plus en perspective l’impact économique négatif du Brexit. Pour les produits chimiques et pharmaceutiques, le Royaume-Uni représente un marché commercial et un centre logistique stratégique et historique. Avec des exportations quotidiennes dont la valeur dépasse largement 21 millions d’euros en 2019, le Royaume-Uni est le sixième partenaire commercial du secteur. Le Brexit exerce une forte pression sur cette relation commerciale.
Bien qu’un scénario catastrophe ait été évité – grâce à un accord de dernière minute avec le Royaume-Uni sur le commerce et l’investissement – les entreprises sont confrontées, jour après jour depuis le 1er janvier, à des retards dans les contrôles aux frontières, à une bureaucratie accrue et à des coûts de transport plus élevés. Au cours des dix premiers mois de l’année dernière, les exportations vers le Royaume-Uni avaient déjà chuté de près d’un quart en raison de la crise du coronavirus et de l’incertitude entourant le Brexit.
« Les coûts de transport vers le Royaume-Uni atteignent également des niveaux records, avec des suppléments allant de 30 à 50 % en fonction du moyen de transport. »
Barbara Veranneman, experte en commerce international chez essenscia
Barbara Veranneman, experte en commerce international chez essenscia : « Le Brexit entraîne des charges et des coûts structurels additionnels pour le dédouanement, la mise en place de systèmes de contrôle, la demande de permis supplémentaires et le doublement des obligations d’enregistrement pour les produits chimiques dans le cadre de la législation REACH. Les coûts de transport vers le Royaume-Uni atteignent également des niveaux records, avec des suppléments allant de 30 à 50 % en fonction du moyen de transport. Entretemps, les premières limites de l’accord commercial se font ressentir. Les centres de distribution au Royaume-Uni ne peuvent pas renvoyer des marchandises d’origine européenne sur le marché européen sans droits d’importation et vice versa. En conséquence, les systèmes de distribution doivent soudainement être repensés ».
Les douanes belges travaillent bien
Fait marquant : les douanes belges étaient bien mieux préparées pour le Brexit que leurs collègues d’outre-mer. Cela a permis d’éviter jusqu’à présent des interruptions ou des ruptures importantes dans la chaîne logistique du secteur de la chimie et des sciences de la vie. Les entreprises chimiques et pharmaceutiques connaissent principalement des problèmes et des retards dans leurs opérations logistiques sur le territoire du Royaume-Uni. C’est certainement le cas du transport par conteneurs dit de groupage, lors duquel divers produits de différentes entreprises sont transportés par lots. Cela semble être dû à des problèmes de capacité dans les services douaniers du Royaume-Uni concernés et à un manque de clarté quant aux procédures douanières.
« La leçon à retenir du Brexit : l’exportation n’est pas un processus lointain. Le commerce international est indispensable au bien-être de notre économie et de notre société. »
Yves Verschueren, administrateur délégué d’essenscia
Yves Verschueren, administrateur délégué d’essenscia : « En termes économiques, tout le monde est perdant. Malgré l’excellente coopération avec les douanes belges, le Brexit impacte lourdement le secteur de la chimie et des sciences de la vie. Les ressources disponibles du fonds Brexit doivent être utilisées de manière ciblée et structurelle afin que les entreprises exportatrices puissent encaisser le choc et élargir leur stratégie d’internationalisation. La leçon à retenir du Brexit : l’exportation n’est pas un processus lointain, ni un concept économique abstrait. Le commerce international est indispensable au bien-être de notre économie et de notre société. Ce que nous produisons ici et exportons aux quatre coins du monde crée des emplois, un pouvoir d’achat plus important et une sécurité sociale plus forte. Des accords de libre-échange ambitieux restent donc essentiels. Non seulement pour les produits chimiques et pharmaceutiques, mais également pour l’ensemble de l’économie ouverte et orientée vers l’exportation qui caractérise notre pays. »
Pouvoir compter sur un système douanier digital efficace
Le Brexit démontre aussi clairement que l’efficacité des procédures douanières est décisive pour le succès du commerce international belge. Les préparations et les campagnes d’information des douanes belges sont payantes et garantissent un traitement adéquat des formalités d’exportation. Cela se remarque particulièrement sur le plan digital. Malgré les nombreux trafics de données supplémentaires causés par le Brexit, le système douanier numérique PLDA (PaperLess Douane et Accises) est resté assez stable et performant.
Cela revêt d’une grande importance car les déclarations douanières pour l’exportation doivent avoir lieu en temps réel. Une exportation ne peut partir qu’une fois la déclaration en ligne libérée. Un système défaillant provoquerait des retards supplémentaires entraînant des coûts additionnels et d’éventuelles perturbations dans la chaîne d’approvisionnement. Il est donc crucial pour les entreprises chimiques et pharmaceutiques que le système PLDA continue de fonctionner correctement à l’avenir. On s’attend à une affluence de déclarations digitales suite à une nouvelle réglementation sur le commerce électronique.