Sur les 15 millions de masques buccaux promis, la société luxembourgeoise Avrox n’en aurait livré que 1,5 million le 24 mai dernier, la dernière date de livraison. C’est un dixième de la commande initiale. Cela donne un arrière-goût amer à la décision du gouvernement fédéral d’attribuer une commande de santé publique aussi importante à une société étrangère « boîte aux lettres » inconnue. Le délai de livraison strict a été un argument décisif dans l’évaluation des offres, mais ce délai semble désormais être un coup dans l’eau. En conséquence, de nombreuses entreprises belges du secteur du textile, de l’habillement et des matières plastiques se sentent ridiculisées et perçoivent cela comme un manque de respect pour l’expertise industrielle belge.
Au début du mois, l’armée belge a commandé, au nom du Conseil national de sécurité, 18 millions de masques buccaux en tissu. Quinze millions de pièces, soit la majorité de cette commande, ont été achetées auprès d’Avrox, une société « boîte aux lettres » luxembourgeoise sans expertise avérée dans la fabrication ou la distribution de vêtements de protection médicale. Le fabricant de mode gantois Tweeds & Cotton a été désigné pour fournir les 3 millions de masques buccaux restants.
De nombreuses autres entreprises belges du secteur du textile, de l’habillement et des matières plastiques avaient également soumis des offres, mais celles-ci n’ont pas été retenues. Le calendrier particulièrement serré s’est avéré être le principal obstacle. Avec le recul, ce délai s’est avéré être une perte de temps, car 90 % de la livraison promise arrive tout simplement trop tard. C’est un coup dur pour l’ensemble des entreprises qui ont été écartées lors de l’attribution de la commande.
« Il s’agit d’un mépris pour les connaissances et l’expertise spécialisées de l’industrie belge, à un moment où l’ancrage local des chaînes de production industrielle essentielles est à l’ordre du jour politique »
Yves Verschueren, administrateur délégué d’essenscia
Yves Verschueren, administrateur délégué d’essenscia, la fédération sectorielle de la chimie, des matières plastiques et des sciences de la vie : « Cette saga des masques reste en travers de la gorge de nos sociétés de production. Plusieurs propositions pour des masques 100% ‘made in Belgium’ étaient sur la table, grâce auxquelles le gouvernement aurait pu soutenir l’emploi local en ces temps économiques difficiles. Il s’agit d’un mépris pour les connaissances et l’expertise spécialisées de l’industrie belge, à un moment où l’ancrage local des chaînes de production industrielle essentielles est à l’ordre du jour politique. Nous ne préconisons certainement pas le protectionnisme et nous sommes conscients qu’il y a toujours plus de perdants que de gagnants dans ces appels d’offres, mais la manière dont ce dossier fonctionne nous oblige à être fermes. »
« Près de 40 millions d’euros de l’argent des contribuables affluent ainsi à l’étranger, tandis que les fabricants belges sont laissés pour compte et que les citoyens attendent toujours leur masque buccal (en tissu) »
Fa Quix, directeur général Fedustria
Fa Quix, directeur général Fedustria, la fédération sectorielle du textile, du bois et de l’ameublement : « Il ne faut pas oublier que toute la saga des masques buccaux est née du constat qu’il n’y avait pas (plus) de production de masques buccaux en Belgique. Et par conséquent, nous étions dépendants des importations. C’est précisément pour sortir de cette dépendance à l’égard des importations que le gouvernement a insisté pour ramener la production de masques buccaux dans notre pays. Maintenant que cette capacité de production existe à nouveau grâce à la flexibilité de nombreux entrepreneurs, la Belgique a presque entièrement opté pour les importations. Près de 40 millions d’euros de l’argent des contribuables affluent ainsi à l’étranger, tandis que les fabricants belges sont laissés pour compte et que les citoyens attendent toujours leur masque buccal (en tissu). »
Les fédérations sectorielles essenscia et Fedustria sont ouvertes au dialogue et insistent pour obtenir un entretien rapide avec le ministre de la défense compétent, Philippe Goffin.