La crise ukrainienne met la compétitivité du secteur à rude épreuve
L’année dernière, le secteur de la chimie, des matières plastiques et des sciences de la vie a créé 1 896 jobs supplémentaires. Il s’agit de la plus forte croissance de l’emploi de ces vingt dernières années. L’emploi dans ce secteur avait déjà augmenté pendant huit années consécutives, représentant 9 222 jobs supplémentaires. Tels sont les constats des chiffres économiques annuels de la fédération du secteur essenscia. Les exportations (+33%), le chiffre d’affaires (+22%) et les investissements (+17%) ont également connu une hausse significative en 2021. Cependant, la crise ukrainienne menace d’anéantir ce renouveau économique. L’explosion des prix de l’énergie, le coût exorbitant des matières premières, l’emballement des coûts de transport et l’inflation galopante pèsent lourd sur la compétitivité du principal secteur d’exportation de l’économie belge.
Malgré la crise persistante du coronavirus, le secteur chimique et pharmaceutique belge a créé en moyenne l’année dernière 158 emplois supplémentaires par mois, principalement dans l’industrie pharma et biotech (+3,9%), mais également dans celle des matières plastiques (+1,5%) et de la chimie (+0,8%). Avec un total de 97 420 jobs, l’emploi dans ce secteur est à son plus haut niveau depuis 2001. La forte croissance de l’emploi dans la chimie et les sciences de la vie au cours des 10 dernières années (+8%) contraste fortement avec la chute du nombre d’emplois dans l’ensemble de l’industrie belge (-6%), soit près de 30 000 jobs en moins.
Champion des exportations et de l’innovation
Après une baisse due au coronavirus en 2020, le chiffre d’affaires est reparti à la hausse l’an dernier, augmentant de 22 % pour atteindre près de 74 milliards d’euros. Cette augmentation est conforme à la moyenne industrielle (+20%) et est principalement due à de fortes hausses de prix. De plus, les entreprises du secteur ont investi l’année dernière un montant record de 2,7 milliards d’euros (+17 %) et les dépenses d’innovation en recherche et développement se sont également maintenues à un niveau historiquement élevé de 5,5 milliards d’euros, soit le double d’il y a dix ans.
L’année dernière, les exportations du secteur ont connu une croissance spectaculaire de 33 %, principalement grâce à l’exportation mondiale de vaccins contre la Covid-19. L’industrie de la chimie et des sciences de la vie est donc de loin le secteur d’exportation le plus important du pays, représentant 37 % du total des exportations belges. Au sein de l’Union européenne, la Belgique est même devenue le deuxième plus important pays exportateur de produits chimiques, plastiques et pharmaceutiques, après l’Allemagne.
De la relance à la récession ?
Voilà pour les bonnes nouvelles, car il est déjà certain que les chiffres de cette année 2022 ne seront pas aussi bons. La crise ukrainienne frappe durement le secteur. Le taux d’utilisation des capacités de production est nettement inférieur à la moyenne décennale, les hausses extrêmes des prix de l’énergie entraînent un handicap de coût important et l’inflation se fait sentir plus fortement et plus rapidement en Belgique que dans d’autres pays. Les scénarios catastrophes dans lesquels les investissements ou les recrutements prévus sont reportés et la production industrielle est temporairement réduite ne sont plus impensables. Dans le même temps, les entreprises doivent continuer à innover et à investir dans la course pour atteindre la neutralité climatique.
« Les deux dernières années, le secteur a fait preuve d’une résilience économique remarquable, mais aujourd’hui, nous tirons la sonnette d’alarme. »
Hans Casier, président d’essenscia
Hans Casier, président d’essenscia : « Il s’agit de la troisième crise consécutive, après le Brexit et le coronavirus. Nous sommes cette fois confrontés à une crise énergétique existentielle qui affaiblit considérablement la compétitivité internationale du secteur, tant vis-à-vis des pays voisins que des autres continents. Le prix du gaz en Europe est largement plus élevé qu’aux États-Unis. L’inflation en Belgique et les augmentations salariales qui en découlent sont structurellement plus élevées que dans les pays avoisinants. Tous les coûts supplémentaires ne peuvent pas être répercutés et nous constatons déjà une baisse de la demande, car la confiance des consommateurs s’est également effondrée. Cette incertitude croissante suscite une grande inquiétude. Les deux dernières années, le secteur a fait preuve d’une résilience économique remarquable et les entreprises n’ont pratiquement pas eu recours au chômage temporaire, mais aujourd’hui, nous tirons la sonnette d’alarme. »
« Nous ne devons jamais oublier que la chimie et les sciences de la vie sont au début de chaînes de valeur cruciales. Nous avons donc besoin d’une politique économique audacieuse qui soutienne pleinement l’industrie dans notre pays. »
Yves Verschueren, administrateur délégué d’essenscia
Yves Verschueren, administrateur délégué d’essenscia : « Les bons résultats de 2021 soulignent une fois de plus que le secteur de la chimie et des sciences de la vie est le pilier industriel de notre prospérité. Notre industrie est la plus grande contributrice à la sécurité sociale et à la balance commerciale belge. Mais notre secteur est également le plus exposé à la concurrence internationale. La seule façon d’amortir ce grave choc économique consiste à accorder la plus haute priorité politique à l’approvisionnement énergétique, de maintenir la loi sur la norme salariale et de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour sauvegarder la compétitivité de l’industrie. Nous ne devons jamais oublier que la chimie et les sciences de la vie sont au début de chaînes de valeur cruciales : depuis les matières plastiques de pointe pour les voitures électriques, les matériaux d’isolation et d’énergies renouvelables, les engrais pour la production alimentaire, en passant par les molécules de base pour de nombreux médicaments. Nous avons donc besoin d’une politique économique audacieuse qui soutienne pleinement l’industrie dans notre pays. »