Protéger les droits de propriété intellectuelle afin de préserver leur valeur et leur validité
Au cours des dix dernières années, l’importance des droits de propriété intellectuelle (DPI) dans le succès d’une entreprise a considérablement augmenté. Par conséquent, il est de plus en plus important pour une entreprise de formuler et de mettre en œuvre une stratégie solide pour ses DPI. Dans une série d’articles thématiques, la Cellule brevets d’essenscia aborde les différents aspects d’une stratégie de propriété intellectuelle (PI). Dans ce dernier article, nous abordons la défense des droits de PI dans le portefeuille de PI.
Une stratégie complète en matière de PI comprend un chapitre consacré à la manière et au moment opportun pour une entreprise de faire valoir ses DPI auprès de tiers. Un premier aspect de cette démarche est l’identification d’éventuelles violations des DPI. L’absence de processus d’identification des éventuelles violations des DPI peut entraîner une réduction substantielle de leur valeur, voire leur perte à long terme.
En particulier, le non-respect prolongé et persistant des droits de marque par des tiers entraîne le risque de perdre la protection du droit de marque. Il est donc recommandé d’examiner régulièrement l’utilisation qui est faite des marques (au moins les plus importantes) par les clients, les distributeurs, les médias et les concurrents. Une recherche sur internet constitue déjà un bon point de départ. Un service d’alerte qui prévient lorsqu’un tiers tente de déposer la même marque ou une marque similaire est un autre élément important de la défense des marques.
Comment protéger les droits de brevet ?
La détection des infractions aux brevets est souvent plus difficile, car on ne peut généralement pas savoir immédiatement, à partir d’un produit, s’il est couvert par un brevet ou non. Les brevets sur les inventions chimiques nécessitent généralement une analyse. En outre, il faudra faire appel à un conseiller en brevets pour effectuer la comparaison entre les résultats de l’analyse et les revendications du brevet. Au sein de l’entreprise, il est donc préférable d’élaborer un plan sur la manière dont les infractions aux brevets seront identifiées.
Pour que les coûts d’un tel plan restent raisonnables, il est conseillé d’identifier les acteurs qui pourraient être des contrevenants probables ou possibles. Un premier critère de sélection de ces acteurs clés est l’utilisation d’une technologie similaire. Par ailleurs, la perte significative de parts de marché doit inciter à effectuer un examen du portefeuille de PI à la lumière de son application sur ce marché. Tout cela peut être complété par des analyses régulières d’échantillons de produits sur le marché.
Contexte dans lequel se trouve l’entreprise
Le contexte dans lequel se trouve l’entreprise orientera la politique de défense des droits et, en particulier, de défense des brevets.
Il est souvent peu opportun de mener une politique active de défense des droits de brevets sur un marché où il n’y a que quelques grands acteurs, même si le suivi du portefeuille reste indispensable. Au lieu de faire valoir ses droits devant les tribunaux, on choisira généralement, dans une telle situation, de négocier un accord avec le concurrent.
La défense des droits de brevet devant un tribunal peut faire partie d’une stratégie de dissuasion générale à l’égard des tiers. Un titulaire de brevet qui a la réputation d’utiliser activement ses droits incitera les tiers à être plus prudents et à prendre moins de risques par rapport à une éventuelle infraction. Une telle réputation crée ainsi une ceinture de protection supplémentaire.
Élaboration d’un plan d’exécution
Une fois la décision prise de faire respecter les droits de propriété intellectuelle, il faut concevoir une stratégie et un plan d’exécution bien réfléchis.
Tout d’abord, toutes les parties prenantes de l’entreprise doivent s’accorder sur une vision claire de l’objectif de l’action de défense. Vu l’impact d’une telle action, notamment en matière de défense des droits de brevet, il est recommandé que les cadres de l’entreprise participent activement à l’élaboration de cette vision.
Il est également important que la communication à propos de l’action soit strictement encadrée et contrôlée. Le service juridique et/ou le service de la propriété intellectuelle sont les mieux placés pour définir le contenu et la méthode de communication, ainsi que les personnes autorisées ou non à communiquer. Une communication incorrecte ou prématurée concernant la défense (éventuelle) d’un droit peut sérieusement entraver le succès de cette action et la réalisation de l’objectif.
Une préparation minutieuse de la procédure d’exécution représente plus de la moitié du succès de l’action d’exécution. C’est particulièrement vrai lorsqu’il s’agit de faire valoir ses droits de brevet à l’encontre des tiers. Un litige de brevet peut mobiliser des ressources internes importantes sur une longue période. Il faut également être conscient de possibles réactions négatives sur le marché, notamment lorsque la procédure entraîne des difficultés pour les clients. Une bonne analyse préalable des conséquences de l’action judiciaire est recommandée.
En outre, la préparation devra également évaluer la probabilité de gagner le litige. Cela ne peut se faire sans une évaluation correcte et impartiale de toutes les lignes de défense possibles de l’adversaire. Cette défense consistera à contester la validité, en lien ou non avec la thèse de l’absence de contrefaçon du brevet. Il est donc conseillé de ne pas se fier uniquement à l’état de la technique connu, mais d’effectuer des recherches supplémentaires sur l’état de la technique et de les inclure dans l’analyse du brevet.
Où et comment mener une action de défense de brevet ?
Lorsque les chances de succès sont jugées bonnes, il faudra décider où et comment lancer la procédure. En fonction du lieu et de l’auteur de la contrefaçon présumée, le titulaire du brevet peut choisir dans quel pays et devant quelle juridiction le litige sera réglé. Des aspects tels que la rapidité avec laquelle le litige peut être tranché et l’attitude générale d’un tribunal envers les détenteurs de brevets joueront un rôle décisif à cet égard.
Il y aura aussi souvent un choix entre les procédures disponibles. Dans certains pays ou devant certains tribunaux, le titulaire du brevet peut avoir recours à des procédures impliquant la saisie des produits contrefaits ou l’imposition de mesures provisoires d’injonction dans l’attente d’une procédure au fond, qui peut prendre beaucoup plus de temps. Lorsque le titulaire du brevet risque un préjudice irréparable, ces mesures provisoires constituent un élément important de la stratégie de défense des droits.
Impact de la défense des DPI sur le portefeuille de PI
La défense des droits est un aspect indissociable des autres dans une stratégie de PI. Le succès potentiel de l’application des droits de PI commence à la création de ceux-ci. Plus leur élaboration a été réfléchie et soignée, plus leur défense aura des chances de succès. A l’inverse, faire respecter ses droits peut avoir un impact sur le portefeuille de PI existant. L’argumentation utilisée dans la défense et la décision qui clôt la procédure peuvent impacter d’autres brevets du portefeuille. Lancer une action judiciaire en matière de brevets ne peut se faire que sur base de considérations purement rationnelles, en dehors de toute émotion.