La biotech liégeoise Mithra a exploité le potentiel de l’estetrol, un œstrogène naturel, pour développer son futur cheval de bataille, Estelle. Cette pilule contraceptive novatrice, une fois rejointe par deux autres produits phares autour de la ménopause et de la périménopause, permettra à Mithra d’offrir aux femmes un éventail de solutions innovantes tout au long de leur vie reproductive.
En quoi votre pilule à base d’estetrol est-elle novatrice ?
Jean-Manuel Fontaine, VP External et Scientific Affairs de Mithra : Les premières générations de pilules présentent un profil relativement androgénique, avec une série d’effets secondaires qui impactent la qualité de vie des femmes, comme l’acné, des variations d’humeur, des problèmes de prise de poids. Les pilules plus récentes, dites de 3e et 4e générations, ont pu améliorer l’inconfort des premières générations, mais présentent malheureusement souvent un profil de risque de thrombose plus important.
Afin d’offrir aux femmes une réelle innovation, Mithra a développé Estelle, la première pilule contraceptive à base d’estetrol (ou E4). Estelle a le potentiel de devenir une véritable pilule de 5e génération car elle offre un meilleur équilibre bénéfice/risque tout en maintenant la qualité de vie de la femme. L’estetrol est une substance produite par le foie du fœtus essentiellement durant le troisième trimestre de la grossesse, dans des quantités 12 fois supérieures au taux d’E4 présent dans le sang de la mère. L’hypothèse des chercheurs était que, si des doses aussi importantes d’E4 circulaient dans le sang du foetus, l’E4 devait être une substance dotée d’un profil de sécurité exceptionnel. Et il s’avère que nos développements cliniques confirment ce profil bénéfice/risque amélioré. En répliquant cette hormone naturelle, nous avons en quelque sorte opéré un retour à la source de la vie. Une découverte qui devrait révolutionner la santé de la femme.

La route a dû être longue…
Jean-Manuel Fontaine : En effet. Les premières études ont débuté en 2009. Les essais cliniques ont suivi leur cours jusqu’à un aboutissement majeur pour Mithra en 2018, avec les résultats positifs de l’étude de phase III menée auprès d’une cohorte de près de 4.000 patientes aux États-Unis/Canada et en Russie/Europe. Ces résultats ont démontré l’efficacité contraceptive d’Estelle et son profil de sécurité unique. Nous avons déposé une trentaine de familles de brevets pour protéger le processus de synthèse, la formulation et son utilisation pour diverses indications thérapeutiques au cours des 15 prochaines années. Nous soumettrons les dossiers pour approbation aux agences réglementaires américaines et européennes fin 2019, ce qui nous permet d’envisager une commercialisation dès 2020. Le marché annuel de la contraception pesant 22 milliards de dollars, Estelle a un potentiel de blockbuster.
« En répliquant l’estetrol, une hormone naturelle, nous avons en quelque sorte opéré un retour à la source de la vie. »
Jean-Manuel Fontaine, VP External et Scientific Affairs de Mithra
Pouvez-vous chiffrer le coût du “programme Estelle” ? Avez-vous bénéficié de subsides ?
Jean-Manuel Fontaine : Depuis 2009, Mithra a investi pas moins de 150 millions d’euros pour Estelle. En 2018, le poste R&D représentait 36 millions d’euros ; en 2017, nous y avions consacré 104% de nos revenus. Les incitants octroyés par les autorités régionales afin d’aider les entreprises sont très importants pour l’innovation. Mithra, comme les autres entreprises, bénéficie toujours de cet accompagnement qui est pour l’essentiel une avance remboursable à la Région.
Quels autres produits prometteurs recèle votre portefeuille ?
Jean-Manuel Fontaine : Au-delà des développements complexes fabriqués à partir de polymères comme les anneaux vaginaux, implants et stérilets, Mithra table sur la commercialisation de deux autres produits phares à base d’E4 à l’horizon 2023 : Donesta, un traitement hormonal de nouvelle génération pour soulager les symptômes de la ménopause, et PeriNesta, le premier traitement oral complet de la périménopause, une période de transition délicate dans la vie d’une femme. Au vu des données cliniques existantes et de notre situation financière consolidée en 2018, Mithra peut supporter seul les frais en R&D pour ces deux blockbusters potentiels.

Comment intégrez-vous la question environnementale ?
Jean-Manuel Fontaine : Contrairement aux précédentes générations d’œstrogènes, l’E4 affiche un profil plus respectueux de l’environnement. Sur le plan énergétique, le nouveau site de R&D et de production, le Mithra CDMO, est doté de 1.800 panneaux solaires. Et Mithra ambitionne de couvrir près de 50% de ses besoins en électricité avec des sources d’énergie renouvelables.
Qu’en est-il de vos effectifs ?
Jean-Manuel Fontaine : Mithra compte un peu plus de 200 collaborateurs, mais nous devrions atteindre la barre des 300 d’ici à 2020. Près de 80% du personnel de Mithra, composé en majorité de femmes, dispose d’un niveau d’études supérieures. Avec une moyenne d’âge de 34 ans, Mithra est une entreprise jeune et dynamique avec de beaux défis en termes de gestion du personnel. Si l’entreprise a fortement grandi ces dernières années, l’esprit start-up des débuts est resté intact.
3 blockbusters potentiels
Attendu pour 2020 Estelle, la toute dernière génération de pilule contraceptive
Attendu pour 2023 Donesta, un traitement hormonal pour soulager les symptômes de la ménopause
Attendu pour 2023 PeriNesta, premier traitement oral complet de la périménopause |
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