1.La “freedom to operate” est-elle obligatoire?
Lorsqu’on lance un nouveau produit sur le marché ou que l’on démarre un nouveau procédé de production, il est conseillé d’effectuer une étude de “freedom to operate” (ci-après étude FTO) soit une étude de liberté d’exploitation. Le concept de ‘nouveau’ doit ici être interprété au sens large: le produit ou procédé peut déjà être connu, il peut s’agir d’un “me too”. Même si le produit ou le procédé ne peut a priori pas faire l’objet d’un brevet, il est conseillé de mener une étude FTO.
Au sens strict, il n’y a pas d’obligation de faire une étude FTO. Mais ne pas le faire comporte des risques importants… Bien sûr, il est souhaitable d’éviter de recevoir une convocation pour violation de brevet quelques semaines après le lancement d’un nouveau produit sur le marché! Une étude FTO permet d’évaluer le risque de violation de brevet mais également de prendre les mesures nécessaires pour éviter une convocation ou de préparer sa défense au cas où elle se produirait quand même.
2. Qu’est-ce qu’une étude FTO?
Une étude FTO est une recherche de tous les brevets ou demandes de brevets provenant de tiers et ayant trait au produit ou procédé qu’une société veut lancer. Une telle étude compare les caractéristiques du produit/procédé décrit dans les brevets ou demandes de brevets existants avec celles du produit/procédé sous revue. Lorsque toutes les caractéristiques de la conclusion d’un brevet ou demande de brevet se retrouvent dans le produit ou procédé étudié, ce dernier tombe dans le domaine de protection du brevet ou de la demande de brevet. Dans une telle situation, il faut alors analyser si les circonstances dans lesquelles le produit est offert/ou le procédé est utilisé constituent effectivement une action de violation selon le droit d’application. Il faut également se poser la question de la validité du brevet existant et, s’il s’agit d’une demande de brevet, il faut évaluer la probabilité d’octroi du brevet dans son ensemble. Il arrive en effet fréquemment que le demandeur d’un brevet doive en limiter l’objet en raison de l’état de la technique mis en lumière durant la procédure d’octroi.
Une étude FTO ne garantit pas qu’il n’y ait pas de violation de brevet. Une telle garantie est rendue impossible par le volume de brevets et demandes de brevets mondiaux.
La première limite ou inconnue de l’étude vient du fait que l’étude ne peut jamais être complète, quels que soient le sérieux et la précision de la recherche.
La seconde vient du fait que les conclusions d’un brevet sont toujours sujettes à interprétation et que l’interprétation varie de façon importante d’un pays à l’autre.
Enfin, si des brevets sont jugés pertinents il convient d’évaluer s’ils sont valables dans toute leur ampleur. Une telle analyse est aussi sujette à des différences d’interprétation par pays.
3. Comment limiter les coûts?
De ce qu’il précède on peut voir qu’une étude FTO coûte très cher. Le coût dépend de beaucoup de facteurs: ampleur de la recherche; degré souhaité de protection contre le risque; nombre de brevets ou demandes de brevets concernés à analyser etc.
Il est donc important de trouver l’équilibre entre limitation des risques et coûts associés.
Cet équilibre est certainement lié à l’aversion au risque et à la politique de propriété intellectuelle de chaque entreprise.
Il est utile, avant de lancer une étude FTO, de mesurer le risque de violation, de se demander qui pourrait lancer une action en violation et enfin d’en mesurer l’impact potentiel.
A cet égard on peut décider de se concentrer sur les pays et marchés importants, à savoir ceux où l’on produit, puisqu’une action réussie dans un tel pays peut mener à l’arrêt des ventes au niveau mondial, et les pays où le chiffre d’affaires attendu est important.
Un autre facteur à prendre en compte est la probabilité de prise d’action des détenteurs de brevets dans la chaine de valeur concernée. Si l’on lance un produit sur un marché où les acteurs concernés ont l’habitude de mener des actions de protection de leurs brevets, il faudra être doublement prudent. Il faudra s’intéresser en priorité aux brevets détenus par des concurrents, puisqu’ils sont les acteurs les plus susceptibles d’entreprendre une action en violation de leur propriété intellectuelle.
Au plus le produit ou le procédé de production ne présente qu’une modification limitée par rapport à un produit ou procédé présent sur le marché concerné depuis longtemps, au plus le risque de violation de brevet est limité. Dans certains cas on pourra donc décider de faire une étude FTO minimale voire de ne pas en faire.
Enfin, le nombre et le poids des brevets sur le marché concerné et/ou pour la technologie concernée pèsera dans la balance. Le risque de violation de brevet et la possibilité de le gérer sans trop de dégâts sont différents pour une entreprise qui fait partie du top 3 des détenteurs de brevets en la matière par rapport à une autre qui ne possède pas ou peu de propriété intellectuelle. Cette dernière a grand intérêt à étudier précisément les brevets détenus par ses concurrents directs. Ils risquent ne pas souhaiter lui vendre une licence, ou ne le faire qu’à prix élevé, et le risque d’action judiciaire de leur part est donc élevé.
4. Le résultat – qu’en faire?
Dans le meilleur des cas, l’étude FTO n’identifiera pas de brevet ou demande de brevet pertinent. Dans la plupart des cas, elle en identifiera quelques-uns, dont la pertinence par rapport au produit ou au procédé étudié est variable. Celà ne signifie en rien que l’on ne peut pas commercialiser le produit ou le procédé, mais bien qu’il faut évaluer les risques et prendre des actions correctrices pour les amener à un niveau acceptable.
Les actions à envisager sont
- Adapter le produit/procédé pour qu’il sorte du domaine du brevet;
- Agir en opposition ou en annulation pour essayer d’annuler le brevet existant;
- Demander une licence
Le choix d’une mesure ou la combinaison de différentes mesures dépend des coûts associés, du retard encouru pour l’introduction du produit/procédé et de bien d’autres facteurs inhérents à l’entreprise. Le risque d’insécurité est grand, et une communication régulière et transparente entre le responsable de la politique de propriété intellectuelle et le management de la société est essentielle.
5. Quand?
Enfin se pose la question du timing de lancement d’une étude FTO?
Le plus tôt possible dans le développement, pour limiter au maximum le risque de violation de brevets et pouvoir s’en prémunir au mieux. Celà permet de prendre les actions nécessaires (licence, annulation…) parallèlement au développement et d’éviter les coûts liés au retard de lancement
Cependant, si on commence trop tôt dans le développement du produit ou du processus, on se trouve souvent confronté au problème que le produit ou le processus est encore insuffisamment défini pour pouvoir mener une bonne étude. Si l’étude n’est entreprise que lorsque le produit ou le processus est prêt à être commercialisé et donc peu de temps avant son introduction sur le marché, il existe un risque que le produit ne puisse être commercialisé ou à des coûts très élevés.
La règle d’or est donc d’effectuer une étude préliminaire et rudimentaire au début du développement et de la poursuivre et affiner au cours du développement.
Des questions?
Prenez contact avec la Cellule brevets d’essenscia via octrooi-brevet@essenscia.be