Avec plus de 95 000 emplois directs en Belgique en 2020, le taux d’emploi de l’industrie de la chimie, des matières plastiques et des sciences de la vie est à son plus haut niveau depuis près de 20 ans. Le secteur représente ainsi 20% de l’ensemble des jobs de l’industrie manufacturière belge et crée 220 000 jobs indirects. L’enquête emploi 2021 Wallonie – Bruxelles confirme cette tendance à la hausse pour 2021 et les années à venir. Comment parvenir à attirer et former les nombreux talents nécessaires pour répondre aux défis économiques, sociétaux et environnementaux ?
Alors que l’emploi industriel en Belgique a diminué de 7% en dix ans, le nombre de jobs dans le secteur de la chimie et des sciences de la vie a augmenté de 7% durant cette même période. L’industrie (bio)pharma et biotech engendre la croissance nette la plus importante mais tous les sous-secteurs engagent.
« Le secteur biopharma et biotech est surtout confronté à un défi de croissance. Il doit trouver les talents nécessaires pour ancrer ses activités en Belgique. Chaque année, cela représente 65% de nouveaux postes. L’industrie de la chimie et des matières plastiques est, quant à elle, face à un défi démographique, celui de pourvoir au remplacement des départs à la pension de nombreux collaborateurs. À ces challenges, s’ajoute aussi le défi technologique. Toutes les entreprises sectorielles se transforment en ‘factories of the future’. Cela implique de renforcer la maîtrise numérique de tous les travailleurs et de développer de nouvelles manières de travailler », analyse Rose-May Delrue, Conseillère Sectorielle Talents chez essenscia wallonie-bruxelles.
Masterplan talents
Ces trois enjeux sont au cœur du masterplan talents d’essenscia wallonie-bruxelles, lancé en 2019. Il a pour objectif d’aider les entreprises de la chimie et des sciences de la vie à relever ces défis.
« Nous avons déjà mis en place de nombreuses collaborations avec les autorités, les acteurs de l’enseignement et l’écosystème formation pour développer une série d’actions qui porteront leurs fruits petit à petit »
Frédéric Druck, administrateur délégué d’essenscia wallonie-bruxelles
« Un an et demi après le coup d’envoi de ce masterplan, nous avons déjà mis en place de nombreuses collaborations avec les autorités, les acteurs de l’enseignement et l’écosystème formation pour développer une série d’actions qui porteront leurs fruits petit à petit. Pensons notamment à la première phase d’extension du centre de compétences Cefochim qui permettra, dès cet automne, d’accueillir plus d’apprenants et ainsi d’augmenter le nombre de personnes dûment formées pour rejoindre les entreprises. Nous avons également organisé, avec le soutien du Forem et d’Actiris, deux éditions des Jobdays sectoriels qui ont attiré au total près de 2500 candidats belges et étrangers », explique Frédéric Druck, administrateur délégué d’essenscia wallonie-bruxelles.
« Avec Wallonie Compétences d’avenir, nous développons des solutions de formation et un réseau de partenaires pour renforcer les capacités d’apprentissage aux métiers en pénurie d’opérateurs et de techniciens de production, et ce à destination des demandeurs d’emploi de la région. Nous travaillons aussi en collaboration avec l’Agence du numérique pour structurer les actions de sensibilisation et d’accompagnement des industries à la transformation numérique et pour élaborer des formations adéquates pour notre secteur », complète Rose-May Delrue.
Réenchanter les STEM
Les employeurs éprouvent des difficultés croissantes à trouver des collaborateurs qualifiés dans les domaines techniques & scientifiques. La dernière analyse de l’Académie de recherche et d’enseignement supérieur (ARES) indique qu’en Wallonie et à Bruxelles seuls 15% des étudiants optent pour des filières STEM (Sciences, Technologies, Ingénierie ou ‘Engineering’ en anglais et Mathématiques). En comparaison, la moyenne européenne est de 26%. Les meilleurs pays d’Europe ont même deux fois plus d’inscrits dans ces études : Grèce (35 %), Finlande et Serbie (33 %), Roumanie (32 %) et Allemagne (31 %).
Afin de susciter davantage de vocations dans ces métiers porteurs de sens, de nombreuses initiatives intersectorielles se mettent en place. Par exemple, la Wallonie et la Fédération Wallonie-Bruxelles créent un centre de références STEM pour définir et implémenter une stratégie en la matière. L’Union Wallonne des Entreprises (UWE) coordonne un groupe de travail qui a pour objectif d’établir un plan de sensibilisation aux STEM. Un des axes clés de cette stratégie est la création d’un centre interuniversitaire et inter-Hautes Écoles de didactique des STEM pour aider le corps enseignant à lier les concepts et la vie quotidienne de chacun afin de donner un sens concret aux formations, en adéquation avec la culture d’apprendre des nouvelles générations.
Rose-May Delrue : « Ce point nous parait essentiel. Les jeunes ont la capacité d’acquérir les compétences techniques et scientifiques mais le défi est d’adapter la pédagogie à leurs attentes. Les élèves d’aujourd’hui ne veulent plus rester assis sur un banc à écouter le professeur et ensuite restituer leur savoir. Ils recherchent du sens dans leurs apprentissages. Expliquons-leur par des exemples que ces matières permettent de rechercher les vaccins et médicaments de demain ou encore de trouver des solutions pour le climat. Un travail similaire serait bienvenu en Fédération Wallonie-Bruxelles et mériterait d’être étendu dans les deux régions à l’enseignement secondaire également. »
Le secteur de la chimie et des sciences de la vie organise aussi des actions ciblées pour donner aux jeunes, dès l’enfance, le goût des matières techniques et scientifiques. Ainsi, le Parc d’aventures scientifiques Le Pass accueille les jeunes scientifiques en herbe dès la 2e maternelle. Les visiteurs peuvent y découvrir deux expositions dédiées au secteur : L’Odyssée des éléments : Mendeleïev experience pour percevoir le tableau périodique des éléments autrement et Le Lab’expo chimie et sciences de la vie qui propose des expériences liées aux innovations de la chimie et de la pharma qui nous entourent.
Le site Breaking Science du fonds de formation Co-valent, conçu pour les jeunes entre 12 et 18 ans, démontre également, à travers des articles liés à l’actualité notamment, que la chimie et les sciences de la vie sont partout dans notre quotidien.
L’initiative « Un job pour changer le monde ? » du Cefochim, via sa cellule de sensibilisation Sciences adventure, met en lien les étudiants de l’enseignement secondaire et supérieur avec des témoins-métiers professionnels du secteur de la chimie, pharma & biotech.
Enfin, lors des Jobdays sectoriels de mars 2021, essenscia a organisé des conférences en ligne qui permettaient de découvrir le secteur et comment celui-ci contribue aux défis actuels.
Apprendre autrement via l’alternance
Une excellente manière de donner du sens aux savoirs est l’apprentissage en alternance. Les élèves ont ainsi, à côté de leurs cours théoriques, des moments dédiés à la pratique au sein d’une entreprise. Depuis 2011, essenscia soutient le développement de l’alternance, ce qui a conduit à l’existence d’une série de formations dans l’enseignement supérieur telles que des masters en génie analytique, en gestion de production ou en gestion de la maintenance électromécanique. Citons également le bachelier en mécatronique et robotique.
Outre cette offre existante, essenscia wallonie-bruxelles collabore avec trois hautes écoles pour proposer des formations supplémentaires en alternance concernant des métiers qui sont en pénurie structurelle depuis plus de 10 ans et qui resteront en forte demande ces prochaines années dans le cadre de la réindustrialisation. Si les établissements reçoivent l’habilitation, deux nouveaux bacheliers en alternance devraient ainsi être accessibles dès septembre 2022 : l’un pour la bioproduction, l’autre pour le contrôle qualité. Dans l’enseignement secondaire, le centre de compétences Technifutur lance les prémices pour une formation en alternance en électromécanique.
« Notre dernière enquête emploi démontre que plus de 50% des postes ouverts dans le secteur sont accessibles à des diplômés de l’enseignement secondaire supérieur ou des bacheliers »
Rose-May Delrue, Conseillère Sectorielle Talents essenscia wallonie-bruxelles
Rose-May Delrue : « Ces formations en alternance permettent d’attirer d’autres profils. Il n’est pas nécessaire d’avoir un master en poche pour trouver un emploi valorisant dans l’industrie de la chimie, des matières plastiques et du biopharma/biotech. Notre dernière enquête emploi démontre que plus de 50% des postes ouverts dans le secteur sont accessibles à des diplômés de l’enseignement secondaire supérieur ou des bacheliers. Les entreprises recherchent avant tout des personnes motivées, qui ont soif d’apprendre. On constate un très haut taux d’employabilité des jeunes ayant suivi un cursus en alternance. Ils sont déjà familiers avec le milieu de l’entreprise, c’est un grand atout. »
Former aux nouveaux métiers
En plus des métiers techniques et scientifiques traditionnels, de nouvelles fonctions émergent dans les entreprises sectorielles suite à la digitalisation. Cette année, L’Oréal Libramont est ainsi devenue la première entreprise chimique wallonne à remporter le « Factory of the Future Award » grâce à ses investissements dans les nouvelles technologies mais également en matière de développement durable, d’organisation et de formation.
Ces nouvelles manières de travailler nécessitent des compétences numériques, à commencer par les fondamentaux. L’Agence du numérique accompagne les entreprises dans ce sens via le projet Upskills Wallonia.
essenscia élabore également des projets au sein du consortium de l’Agence du numérique pour structurer l’écosystème wallon au bénéfice de la digitalisation de la filière biotech/biopharma et chimique. Ensemble, les partenaires développent aussi les actions nécessaires à l’émergence de formations aux nouveaux métiers tels que data analyste, data architecte ou encore ingénieur procédés en jumeaux numériques.
« Le monde de l’entreprise évolue rapidement. Nous devons unir nos forces avec l’ensemble des parties prenantes pour répondre aux besoins actuels et futurs en matière de talents. Il en va de la compétitivité du secteur pour qu’il puisse continuer à innover et développer des solutions aux différents défis actuels ici, en Belgique », conclut Rose-May Delrue.